mercredi 30 juillet 2008

Le maître de peinture







Rencontre avec Ghazi

Aujourd’hui je me lève tôt car il ne faut pas être en retard quand le chauffeur de Ghazi vient nous chercher. C’est un homme de taille moyenne, avec une cicatrice à la joue et qui ressemble plus à un turc qu’à un chinois. On arrive dans une rue où les bâtiments sont bordés d’un parc où des vieux messieurs jouent au Go, je jeu de société national chinois. Je rentre dans un bâtiment qui vient d’être nettoyé vu la grande flaque d’eau. Je monte et chaque porte ressemble à la porte de chez Marina, ma « presque » tante, qui a une porte de près de deux mètres en fer avec une épaisseur de près de 50 cm. Papa m’explique qu’il y a un problème de sécurité dans cette ville. On monte de quelques étages et on sonne devant une porte similaire aux autres. Un jeune homme d’environ 19 ans nous ouvre la porte ; il est habillé en vêtements militaires. C’est le petit fils de Ghazi. On s’avance et son fils nous salue ; il a la cinquantaine et est ingénieur informatique. Il nous accompagne vers le salon où nous attend Ghazi qui est plus à l’aise qu’au dîner d’hier soir car il est chez lui. Il est habillé d’une chemise blanche tachée et vient nous saluer. Il nous montre ses tableaux. Il nous les explique un par un. J’ai appris qu’un Ouïgour avait écrit, il y a 100 ans, un dictionnaire de la langue Ouïgour mais qui avait été interdit de traduction par le gouvernement chinois qui ne voulait pas que les Ouïgours ait quoi que ce soit pour apprendre leur langue. Il a fallu attendre que ce livre soit traduit en anglais pour que les anglophones mettent une pression sur le gouvernement chinois pour qu’il le publie en langue Ouïgour. Ce sera chose faite en 2007. Il nous raconte l’histoire de Roméo et Juliette Ouïgour qu’il a peinte. On quitte le salon pour rejoindre une table où sont posés des centaines de tubes de gouaches. Il s’asseoit et continue la peinture qu’il a commencée auparavant. Il mélange les couleurs et quand le mélange est bon, il pose la peinture sur sa toile. Il fait d’abord une petite toile qui sera un modèle pour une beaucoup plus grande. Ensuite devant la peinture d’un paysan, il nous explique que pour lui les paysans sont les hommes les plus libres. Ils sont peut être pauvres et ils font le même métier toute leur vie mais ils n’ont pas de problème d’heure sup, de 35h, d’augmentation de salaire que connaissent les sociétés occidentales d’aujourd’hui. Lui, il travaille et quand il a fini, il se repose, il pense, il rêve ce que ne fait jamais un fonctionnaire qui ne pense qu’a faire ses 35h et partir chez lui. Après nous avoir expliqué cela, il nous invite à prendre quelques fruits que son petit-fils emmène sur la table. Pendant que l’on mange, il arrive un petit garçon d’environ 10 ans qui est déjà à l’Université, c’est un surdoué. C’est aussi un petit-fils de Ghazi. Quand on a fini, le fils de Ghazi nous montre le DVD qu’il a fait sur le travail de son père. Je dis à papa que çela ressemble beaucoup au travail d’Aydin avec papa, et il me dit mais tu sais, Aydin je le considère comme mon fils. Quand on a fini de voir le DVD, Ghazi demande à papa de le prendre en photo et moi je filme, puis je photographie. Je risque même de faire tomber le tableau de Ghazi. Quand on a fini les portraits, Ghazi prend une feuille et vide la moitié de son tube d’encre Chinoise dans une assiette pour faire une calligraphie. Il prend le pinceau et je remarque que normalement sa main tremble mais que lorsqu’il prend le pinceau tout s’arrête comme s’il y a des messages qui se passe entre la main et le pinceau. Dans sa main, le pinceau fait des mouvements de danse comme si c’était une femme qui danse pour séduire des hommes. Papa est ému par ce mouvement en même temps délicat et majestueux,. Il en a les larmes aux yeux. Sa calligraphie terminée, il avait besoin de mettre sa signature pour affirmer qui est l’artiste. Il cherche dans un placard une petite pierre puis une grosse et un boîtier rond dans lequel une encre rouge lui permet de signer ses calligraphies. Il prend un magazine et une serviette en papier, qu’il pose sous sa calligraphie à un endroit précis. Il prend la petite pierre, la regarde et la tourne délicatement dans tous les sens pour trouver le bon sens pour signer à l’endroit. Il enfonce dans le bon sens cette pierre dans l’encre rouge et avec sa main de près de 75 ans, il appuie sur la pierre et la ressort de l’encre et d’un rouge sang, il la pose sur sa feuille. Il prend l’autre pierre refait le même geste et après avoir changé la place du magazine et de la serviette en papier sous sa feuille, il met sa deuxième signature et ensuite pendant quelques secondes il observe en silence son œuvre pour admirer le travail accompli mais aussi pour voir s’il l’a achevé. Le travail fini, il nous regarde et me dit que c’est pour moi mais me dit qu’il lui reste une chose à faire pour finir cette calligraphie c’est de l’encadrer d’un beau papier et qu’il nous l’enverra une fois ce travail terminé. Je le remercie et me prépare à partir avec papa quand il nous invite à déjeuner. On dit au revoir à toute la famille et on descend les escaliers. Arrivé en bas je remarque que, comme d’habitude j’ai oublié quelque chose en haut alors je remonte. Et je repense à ce que j’entends souvent : « quand on n’a pas de tête, on a des jambes. » Je rejoins tout le monde pour aller déjeuner. Tout le monde connaît Ghazi et le salut. C’est un déjeuner joyeux. Ensuite, quand on a fini on se lève et je parle avec le petit fils de Ghazi et on parle de l’identité des Ouïgours et de son pays dont il est fier. Et quand je lui demande de quel pays il parle, il me répond du Turkestan Oriental qui est, pour lui son pays et pas la Chine. Ensuite je lui dis qu’il faut qu’il croit en son pays et on part.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je viens de terminer la lecture de "Voyages parallèles".
Très très intéressant et beau sur plusieurs plans.
. Les photos de REZA qui sont toujours prises à des moments opportuns, des photos qui "parlent"
. Le texte écrit par REZA, son fils et son épouse.
. Ce voyage physique, émotionnel et profond.
Initiation d'un fils de 15 ans.

Superbe !!!